Chapelle blanche

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Pélerins, mes amis, et vous, ô demoiselles !
Qui suivez à pas lents le pénible chemin,
Prions le Paraclet de nous prêter ses ailes,
Ou l’ange conducteur de nous donner la main.
 
Le vieux rocher moussu dont la cime est flêtrie,
Et le chêne, là-haut, et l’épais noisetier
Dont les feuillages blancs tombent dans la prairie,
Avec tous leurs festons, pendent sur le sentier.
 
Mais nos pas ont atteint les sommets solitaires;
Les lierres plus touffus rampent sur le gazon,
Les bois ont plus d’odeurs, de bruit et de mystères,
Et le soleil plus doux se lève à l’horizon.
 
Respirons un moment au haut de la colline,
Et contemplons de loin, à travers les rameaux,
Le torrent écumeux, la roche qui s’incline,
Le doux émail des prés et les toits des hameaux.
 
Quand donc la sainte croix du gothique ermitage
Nous apparaîtra-t-elle à l’horizon lointain,
Comme aux yeux des élus le céleste héritage,
Ou comme le soleil, roi brillant du matin?
 
La voilà! la voilà! Voyez-vous la chapelle?
Et n’entendez-vous point une voix dans les airs?
Des anges l’on dirait la voix qui nous appelle,
Ou la cloche qui tinte au fond de ces déserts.

Aloysius Bertrand, Pèlerinage à Notre-Dame-de-l’Étang, 1827